mardi 11 janvier 2011

Quand la police à l'école fabrique les délinquants

L'exemple du Texas

Alors que le gouvernement français installe des policiers référents dans certains établissements secondaires et qu'il ouvre, avec difficulté, des Etablissements de Réinsertion scolaire (ERS) pour les élèves perturbateurs, une étude d'une ONG texane, signalée par Education Week, illustre les dérapages de 16 ans de politique sécuritaire dans le système éducatif.

Depuis 1994, les élèves texans perturbateurs, de la maternelle à la terminale, peuvent  être envoyés dans des Disciplinary Alternative Education Centers (DAEC), des établissements, proches des ERS, où ils sont mis à l'écart pour des périodes variables. En 2006, 128 000 jeunes parmi les 4 millions d'élèves texans en ont fait l'expérience, dont près d'un millier de CP et 150 bambins de maternelle. La troisième est l'année la plus chargée.

Pour Texas Appleseed, l'ONG texane, ce dispositif est "un pipeline de l'école à la prison". L'association montre que les DAEC poussent au décrochage : leur taux est cinq fois supérieur à celui des classes ordinaires. Or 80% des détenus texans sont d'anciens décrocheurs. Ce que montre aussi les données sur ces ERS texans, c'est que le premier critère pour être expédié en DAEC c'est l'école où l'on se trouve et non la nature de la faute commise.  Quelques districts scolaires remplissent leurs DAEC à un rythme très supérieur aux autres. Autre enseignement : les élèves à besoins particuliers et les afro-américains sont nettement plus envoyés en DAEC que les autres. Dans 15 districts scolaires, les afro-américains sont deux fois plus nombreux que leur part dans la population scolaire.

Mais Appleseed va plus loin et met en question la présence policière dans les écoles texanes. Car c'est elle qui alimente les DAEC. Les policiers présents dans les établissements abordent les problèmes de vie scolaire selon les codes de leur métier. Tout perturbateur, toute violation du règlement, tout désordre dans le bus scolaire, qui normalement se terminerait devant le CPE ou le principal du collège, devient un délit. En effet, sur 114 000 élèves envoyés en DAEC en 2005, 74 000 l'ont été pour violation du règlement scolaire et 4 000 pour des violences sur un enseignant ou un élève. Il est passible au mieux d'une amende, au pire d'un ticket vers le DAEC. "La criminalisation des écarts de conduite des élèves touche même les plus jeunes élèves", souligne le rapport. Des procès verbaux sont dressés contre des enfants de 6 ans. Là aussi les afro-américains sont aux premières loges. En 5 ans, 500 enfants de maternelle et 2 700 élèves de CP se sont retrouvés en DAEC. La première marche vers l'échec scolaire et la prison.

Alors que le ministre veut mener une politique de lutte contre la violence scolaire, l'expérience texane n'est peut-être pas inutile. Texas Appleseed recommande aux autorités éducatives locales de profiter des recherche menées dans la lutte contre la violence scolaire et d'avoir une politique positive en matière de vie scolaire : bien expliquer les sanctions, reconnaître les bons comportements. 


Aucun commentaire:

Publier un commentaire